L’heure est-elle au combat contre la fuite des cerveaux en Afrique ?

Beaucoup de voix s’élèvent pour décrier, fustiger et même exiger des mesures actives pour décourager ou empêcher le départ des jeunes africains vers Occident à la recherche d’emplois. Un tel combat est t-il justifié au regard du contexte politique et socio-économique actuel de la plupart des pays africains? La réponse est sans doute à mon avis négative. Je ne pense pas que l’émigration des jeunes africains vers l’occident est un phénomène à combattre, en tout cas, pas à l’état actuel des choses. On ne peut pas décrier ce phénomène qualifié de « fuite de cerveaux » tant que les conditions ne sont pas réunies pour que les jeunes talentueux puissent intégrer le tissu économique de leur pays et participer à son émergence.
N’a-t-on pas déjà vu des jeunes cadres qui, une fois rentrés dans leurs pays à la fin de leurs études en Occident et munis de bons projets, ont été contraints de retourner en Europe ou ailleurs juste parce qu’ils n’ont pas trouvé des conditions idéales pour exécuter ces projets ?
N’a-t-on pas déjà assisté à des cas où les jeunes talentueux, ayant voulus engager des réformes pertinentes pour mieux faire fonctionner l’administration publique, ont été écartés, anéantis, éliminés voire nuits par les aînés ?
Combattre l’émigration ne serait t- il pas priver l’Afrique de l’une de ses principales sources de devises et maintenir des dizaines de millions de populations et surtout des ruraux qui en dépendent dans la misère et l’ignorance ?
En tout cas, selon les statistiques et les analyses économiques, un éventuel combat contre la fuite des cerveaux ne serait pas un combat salutaire particulièrement pour les états africains. Loin de dénoncer ce phénomène, il serait mieux que les décideurs politiques pensent à comment organiser ce circuit pour tirer profit des milliards de devises qu’il génère pour leurs petites économies. Les états africains ont intérêts à mieux valoriser le potentiel économique que constitue la diaspora africaine. D’après le nouveau rapport publié par le FIDA (2010), les travailleurs africains envoient chaque année plus de 40 milliards de dollars américains vers leurs pays d’origine. Alors que l’aide publique au développement de l’Afrique est évaluée à 43.9 milliards de dollars en 2009. Cependant, une plus grande partie des sommes envoyées par les émigrés ne serait peut-être pas comptabilisée, et donc pas prise en compte dans les statistiques nationales de nombreux pays. Des statistiques récentes montrent d’ailleurs que les transferts vers l’Afrique égalisent déjà l’aide publique au développement et même la dépasse. 30 à 40% de fonds transférés sont acheminés dans les zones rurales. Ils servent surtout à la couverture des besoins de base et de dépenses d’urgence ou sociales des familles dans les pays d’origine. Ils permettent d’envoyer un enfant à l’école, de construire des maisons, des centres de santé ou d’acheter des nourritures. Un exemple frappant est celui de la région de la région de Kayes au Mali où l’argent envoyé par des Maliens vivant en France a contribué à la construction de 60 % des infrastructures de la région en dehors de la part investie dans les dépenses alimentaires, les soins de santé, l’achat des fournitures scolaires, …
Alors, pensez-vous que ces compatriotes pouvaient créer une telle richesse s’ils étaient restés dans leur pays ? N’allaient t-ils pas augmenter de façon drastique le taux de chômage et contribuer à la précarité actuelle de l’emploi ?
Le débat actuel serait de réfléchir à comment faire de ces ressources transférées par la diaspora africaine une plus grande source de financement du développement et à mieux la répartir dans les secteurs productifs. Le problème de l’Afrique n’est pas celui d’un manque de compétences ; où même s’il en est, il devrait en être moins. En effet, lorsque les conditions seront réunies pour que les Africains restent en Afrique, ils le seront. Le réel problème est plutôt un manque de vision et de véritable politique de développement ajoutées aux défaillances des systèmes de gouvernance.

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